mardi 25 mai 2010

Oh! What a lovely war



Vous souvenez-vous de la présentation officielle par l’armée américaine de la photo d’Al-Zarkaoui après qu’il eût été tué suite à un bombardement ciblé?






Cela s’inscrit dans une pratique généralisée visant à présenter la guerre et son environnement comme faisant partie d’une énorme représentation, un spectacle, un show. Souvenons-nous des couvertures de CNN ou Fox d’il y a 5 ans, avec de belles explosions en direct de la nuit irakienne, accompagnement symphonique avec force percussions, la mise en scène hollywoodienne des bombardements etc.

Et le jeu de 52 cartes représentant les 52 individus les plus recherchés du régime. La guerre? Un jeu on vous dit… Le réel déréalisé et ramené à une quasi fiction. Avec éviction de tout ce qui pourrait rappeler la vraie nature du réel de la guerre: les cercueils, les body bags qui sont interdits d’antenne eux… Alors le framing de la photo de Zarqawi, oui, c’est aussi de la mise en scène, de la représentation, un trophée que l’on s’attend à voir exposé au musée des victoires de l’armée américaine.


On est bien dans l’exposition au sens des tableaux d’une exposition. Cet encadrement de cette photo n’est pas un hasard, ou une décision un peu rapide et irréfléchie de quelques sous-fifres de l’armée. Cela participe d’une politique délibérée de mise en valeur à finalité démonstrative, avec tout le substrat contextuel précisément que cela suppose. Il ne fait pas s’y méprendre: cela a un sens qui n’est pas fortuit.


In order to further make “my” point about the intention behind the framing, when Colin Powell made his brilliant demonstration intended to prove there were WMD in Iraq, did he choose to show framed satellite pictures to the General Assembly of the UN? Maybe he knew the audience wouldn’t have been impressed, quite the contrary. The lies would have been immediately suspected with such a mise en scene.

(The title of the post refers to a film by Richard Attemborough)

jeudi 20 mai 2010

Crying babies





La fréquentation régulière et assidue des média américains (presse, blogs, télés), ne manque pas de faire apparaître immédiatement un usage incroyablement récurrent d'un seul et unique thème, quasi obsessionnel, dont l’essentiel de la “rhétorique” consiste à recourir exclusivement à une seule grille de lecture des rapports internationaux : l’anti-américanisme des autres.




Comme les enfants de 5 ans qui, n’étant jamais satisfaits de l’amour qui leur est prodigué, ne trouvent rien d’autre à dire que: “If you don’t love me then you hate me”. Sounds familiar? “If you’re not with us you’re against us”

On a beau dire et faire, proposer toutes les explication du monde, faire preuve d’une infinie patience, rien n’y fait et n'y fera jamais, le seul outil dont disposent les crying babies, c’est la grille de lecture qui n’accepte que “l’anti-américanisme” comme explication ultime des divergences d’analyse des USA avec le reste du monde. C’est leur indépassable mantra.

Combien de fois a-t-il été souligné que jamais dans aucun média européen d’importance on ne trouverait le 10ème des excès que l’on trouve dans les médias américains? Peine perdue, inutile de s'arrêter à des démonstrations cent fois renouvelées, il n’y a pas à en sortir : C’est l’anti-américanisme qui est cause de tout, ce sont les ennemis de l’Amérique, America-haters etc…

Vouloir à tout prix faire entrer tout le réel dans le champs d’une seule et unique grille d’interprétation (l’anti-américanisme) est évidemment absurde et stérile comme il est plus encore vain et même insensé de prétendre l’expliquer.

On ne manquera pas de remarquer que le retour sur investissement de cette "carte joker" est nul sur le long terme car à force de qualifier l’Autre de ce qu’il n’est pas et dont même il se défend, le résultat est assuré : l’Autre finit par adopter la posture qu’on veut lui faire endosser et reprend à son compte les accusations dont il n’a eu de cesse de se défendre pendant un temps.

Même processus avec les Juifs qui crient à l’anti-sémitisme quand il est question du sionisme ou les Africains qui crient au “racisme” et au néo-colonialime" quand on prend la liberté de poser certaines questions. Meilleure façon de produire des anti-sémites et des “racistes”. Idem pour les pseudo anti-américains.

A la fin la coupe est pleine des jérémiades insensées et infantiles des média américains et de leur thuriféraires qui n’ont que le “concept” d’anti-américanisme à opposer à leurs interlocuteurs dès lors que ces derniers n’acceptent pas absolument, immédiatement, inconditionnellement et intégralement leur vision du monde et leur responsabilité parmi le concert des nations.

These crying babies are a bit tiresome in the end.


samedi 15 mai 2010

Mammon







Stendhal le notait déjà dans ses chroniques italiennes (préface) : "la jeune Amérique où toutes les passions se réduisent à peu près au culte du dollar".

Hormis les premiers pèlerins, tous les immigrants vers les US ont toujours été attirés par l'appât du gain, ce qui est somme toute fort compréhensible puisqu'il venaient pour l'essentiel des classes laborieuses et paysannes de la vieille Europe.

Cette obsession du dollar roi est toujours omniprésente dans la mentalité américaine. Combien de milliers de films ou de romans américains tournent autour de la recherche de l'enrichissement, du profit, de millions de dollars?

L'illustration la plus obscène à laquelle je pense, c'est la clôture (17h15 heure de Paris) de la bourse new-yorkaise où des gens (qui?) sur un balcon qui semble dominer la salle des transactions applaudissent à tout rompre la fin de la journée. Comme un spectacle qui a ravi ses participants.

Certes le culte du veau d'or est bel et bien well and alive in the US. Ce qui est d'autant plus "paradoxal" que les États-Unis sont un des pays les plus croyant et pratiquant au monde.

Rien de nouveau ici. On sait bien que les religions, toutes les religions, sont parfaitement adaptables aux passions humaines, vices et vertus confondus. Et moi qui croyais que Jésus avait chassé les marchands du temple.

Les marchands ont définitivement investi le temple pour n'en plus jamais sortir. Quel monde!


(Le culte du veau d'or par Poussin)

lundi 10 mai 2010

An American tragedy














Je retrouve un vieil article du WaPo d'il y a 3 ans.

“The “Desert Louvre,” as the French press has dubbed the deal, is part of a revolutionary initiative by France to expand its global influence through its vast cultural heritage and holdings — the one realm where it remains a dominant world power — in the face of its shrinking diplomatic and economic clout.”

Ca les démange toujours ce besoin d’insister sur la perte d’influence de la France, sa position économique affaiblie. Si l’Italie était engagée dans un marché de même nature avec Abu Dhabi, Dubaï ou un quelconque autre pays, serait-il nécessaire de relever sa supposée perte d’influence diplomatique ou sa place moyenne dans le peloton des puissances économiques? Evidemment non mais comme il n’est pas possible de passer sous silence la position historiquement dominante de la France en matière d’art et de culture (mais l’Italie vaut bien la France au point de vue des beaux arts), il faut relativiser et amoindrir. Pour ce qui concerne la prétendue perte d’influence diplomatique de la France, on a vu ce qu’il en était avec l’Irak à l'époque.

Alors pourquoi une fois encore un journal américain présente-t-il ce genre d'information sous cet angle? S’il y a tant de clichés américains sur la France, c’est que celle-ci représente tout ce qu’une certaine partie des média et de la mentalité américaine se vantent de n’être pas: éduquée, cultivée, high brow, intellectuelle. Cette absence d’histoire et donc de patrimoine culturel qui devrait l’accompagner est comme un rappel permanent d’une insupportable incomplétude dans l’identité même du pays. C’est là peut-être le malheur inavoué de l’Amérique, un destin exceptionnel auquel l’enracinement historique fait défaut. Et pourtant il faut bien vivre…

Alors cette mauvaise conscience (comme disait Susan Sontag de la France par rapport aux US), ce refoulé ne peuvent s’évacuer que par le biais d’une démonisation du contre modèle même, d’un effort permanent de ridiculisation et de mise à distance de ce reproche vivant qu’une certaine Amérique voit en la France et les Français. Il n’est qu’un moyen pour surmonter un lancinant complexe d’infériorité identitaire, c’est de faire corps de façon quasi pathologique aux emblèmes du groupe: l’hymne et le drapeau. Le drapeau on le voit partout, partout, partout… c’est obsessionnel.

Les Français n’en peuvent mais, tel a été le cours de l’Histoire. Et Abu Dhabi ne fait en l’occurrence que reproduire ce que les Américains eux-mêmes ont fait depuis la fin du XIX jusqu’à nos jours: acheter des chefs d’oeuvre de l’art européen pour remplir des musées créés de toute pièce afin de “légitimer” leur existence aux yeux des autres nations par une artificielle reconstitution d’un passé qui leur fera toujours défaut.